Autrefois, nos places publiques ressemblaient à quelque chose : des fontaines, des parterres de fleurs, des arbres centenaires, des bancs à l’ombre, des pavés un peu irréguliers qui avaient du charme. Bref, la vie. Tout ça, c’était avant.

Aujourd’hui, place au nouveau dogme du design écologique. Le concept ? Très simple : tout bétonner. Oui, oui, absolument tout. Tu prends une place agréable, tu retires chaque élément vivant, chaque arbre, chaque buisson, chaque fontaine, tu rases, tu lisses… et tu appelles ça “renouvellement urbain durable”.

Résultat : des places tellement minérales qu’on se croirait sur Mars. Un sol si vaste et si plat qu’on peut y cuire un œuf en été. Les architectes appellent ça “espace apaisé”, les citoyens appellent ça “le désert de Gobi”.

Le mieux, c’est l’arbre. Oui, “l’arbre”, au singulier. Le design écologique moderne impose en effet un quota immuable : 1 arbre par hectare. L’arbre solitaire, planté dans 12 tonnes de béton, entouré d’une grille en métal pour l’empêcher d’exister réellement. On dirait un détenu végétal.

Avant, on avait des fontaines rafraîchissantes. Aujourd’hui, on a une borne à eau tiède avec écrit dessus “Hydratez-vous, c’est écologique”. Avant, on avait des pétunias, des rosiers, des magnolias. Aujourd’hui, on a une étendue infinie de gris, ponctuée, si on a de la chance, d’un pot en plastique recyclé contenant… un buisson agonisant.

Et attention : tout cela est vendu comme un progrès. “Moins de surfaces biologiques, c’est moins d’entretien.” “Plus de béton, c’est plus durable.” “Une place vide, c’est une place flexible.” De là à dire qu’on prépare surtout des pistes d’atterrissage pour drones municipaux, il n’y a qu’un trottoir.

Le nouveau design écologique, c’est ça : faire disparaître l’écologie pour mieux dire qu’on la protège. Transformer les centres urbains en vastes plaques chauffantes, et affirmer que c’est un choix environnemental réfléchi.

Slogan non officiel : « Plus de béton, moins de vivant, mais toujours plus d’étiquettes “éco-responsable”. »